D'une crise a l'autre...

Ce matin la j'ai 6 ans et je sens bien que depuis quelques temps les choses ne sont plus pareilles. Mes grands-parents - qui m'elevent - ne vont pas bien. Ma grand-mere pleure souvent et mon grand-pere, lui si jovial d'habitude, ne sourit plus jamais. Ce que je ne savais pas, c'est que nous sommes en 1973 et que nous vivons le premier choc pertrolier.

Mes grands-parents, a la tete d'une petite entreprise de chauffage, viennent de subir un gros probleme. Un promoteur a fait faillite, en leur laissant une ardoise de plusieurs millions d'anciens francs (ce qui a l'epoque est enorme... ).

Ils ont besoin de l'aide des banques pour passer le mauvais cap. Mais le credit crunch fait rage et la banque refuse tout credit. Mes grands-parents m'annoncent que nous demenageons a Paris.

Ils ont tout perdu.

Ce jour la, mon enfance est partie. L'insouciance de l'enfance. J'ai vu mon grand-pere tirer les sonettes pour trouver un job a 50 ans, ma grand-mere sombrer dans la depression et c'est ce qui m'a dirige - des annees plus tard - vers l'aide aux chomeurs.

Lorsque je recevais des gens casses je me souvenais d'eux. Je n'ai jamais suivi de personnes "heureuses" d'etre au chomage. Celles-la ne revenaient en principe pas dans mon bureau.
Leurs histoires debutent toujours par le licenciement. Moins dramatique et plus humain qu'en Suisse, ou le systeme est a peu pres pareil qu'aux Us, la recherche d'emploi, elle, est plus difficile.
La premiere chose qu'on regarde c'est le nom du candidat. Aie il ne fait pas bon s'appeller Mamadou ou Omar... A moins d'etre le top specialiste... mais la en general les gens ne sont pas au chomage. Lorsque nous echangiona avec mes collegues de l'ANPE, ils me disaient a quel point c'est dur d'entendre des chefs d'entreprise leur dire :

Et puis vous ne m'envoyez pas des noirs et des arabes, hein, parce que je ne suis pas raciste mais ils ne savent pas travailler.

La loi ne le permet pas, monsieur, madame...
Oui et ben c'est entre nous, et puis si vous voulez pas de mon offre...

Et puis apres c'est l'age. A cette charmante dame de 43 ans, secretaire medicale, 20 d'experience, on reponds que
non decidement, on cherche quelqu'un de plus... moins... enfin vous voyez...
Non je ne vois pas.
Mais vous etes senior et on cherche une junior. Moins agee quoi...

Oui a partir de 37 ans, on est moins malleable, moins souple, on coute plus cher, bref non decidement, on ne correspond plus.

L'experience est passee au crible, et je suis devenue une experte de la redaction de CV pour cacher "les trous". Conge parental, maladie, chomage... etc. Et puis apres ce sont les gens qui ont change d'activite, ca ne passe pas, ou alors c'est suspicieux.

Et puis l'entretien, ou on demande a cette jeune femme si elle prends la pillule, parce que hein les conges mater sitot le CDI signe, on connait !

A un moment, je m'occupais le ASI - appui social individualise - la derniere des mesure pour aider les allocataires du RMI a rebondir. Des gens casses, en precarite familiale (si le divorce n'est pas passe par la), en difficulte physique (beaucoup de medecins ne veulent plus des gens a la CMU), vivant dans des taudis insalubres.

Et on rencontre aussi des entreprises formidables. Des dirigents qui pensent que l'entreprise est la, d'abord pour fournir une activite a des salaries, qui en echange donne leur professionalisme. Celle qui m'a le plus marque c'est Mac Donald's. La "manager" a toujours joue le jeu en matiere d'embauche, meme difficile.
Et puis ce ferronier qui prenait en apprentissage, une de mes stagiaire et allait la chercher puis la ramener.
Et puis ce restaurateur qui faisait passer les entretiens d'embauche devant un bon repas - a l'eau precisait-il ! -
Et puis plein de gens formidables, car le monde n'est pas manicheen.

Tout ca pour repondre a tous ceux qui pensent que le chomage en France est tellement plus humain qu'aux US.
Le licenciement y est plus dur, plus brutal, moins "humain" je suis d'accord. (meme si en ce moment ca a tendance a se radicaliser un peu)
Mais la personne qui cherche un job y est largement moins stigmatisee qu'en France.

Les chefs d'entreprises disent que c'est parce qu'on peut virer les gens plus vite... Mouaif... suis pas vraiment sure, et puis je n'ai pas forcement d'explications... c'est comme ca...

En tout cas je fais un enorme bisou a Stephanie de Philadelphie. Take care ma belle...

Et je lance un coup de chapeau au personnel des "poles emploi' (ex ANPE) si souvent decries, moques, villipendes, mais qui dans leur immense majorite font un boulot formidable.

Bises de dessous le palmier...

Et puis pour tous ceux et celles qui pense que j'exagere et que je fais du "Zola", tous les exemples sont vrais...

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