Barcelone masquée

La métropole barcelonaise a ceci de particulier qu'elle recouvre des réalités radicalement opposées. 

Cette semaine, j'ai pu expérimenter les deux côtés d'une ville, toute en contradictions.
Désormais, je participe régulièrement, à des soirées et dîners donnés par, et pour, les expatriés. J'y rencontre de jeunes dames (les messieurs sont de leur côté, on ne se mélange plus) travaillant dans le domaine du "digital". Cette vaste appellation regroupe les entreprises classiques (banques, agroalimentaire, distribution) connectées, les éditeurs de réseaux sociaux, des groupements d'entrepreneurs, et des influenceuses (je vous rappelle que je ne fréquente plus que des femmes, le monde des hommes m'étant désormais fermé). Elles viennent de cursus identiques, école de commerce, de communication ou d'ingénieur, ont une fibre artistique ou pas, mais toutes, sont dotées de la bosse des affaires,et, pour certaines, d'une petite célébrité. Bref, du "beautiful people" ! Expatriées à la recherche de Paris, Genève, Berlin, Budapest, mais avec une plage, du soleil et des palmiers.
Ces femmes sont intelligentes et cultivées, et je passe des soirées très agréables à papoter avec elles. 
Barcelone a bien travaillé pour les attirer, depuis une bonne dizaine d'années, par son côté "business friendly", son art de vivre "so Barna". Ville d'opportunité, ou le positivisme règne en maître absolu, loin des charges de négativisme engendrées par une France "rabougrie". On y enlace des arbres, en méditant, avant de se rendre à son cours de yoga pet welcome (oui je vous assure que cela existe, on fait du yoga avec son animal.)

Résultat de recherche d'images pour "quartier poblenou" Poblenou, le quartier de la new tech.
Elles y habitent un appartement en "Attico", que l'on paye une fortune, et l'on se délecte de parler en une multitude de langues, croisées dans le macrocosme international des "meetup d'expat". J'oubliais les mojitos à 3 euros servis sur des rooftop, dans une ambiance électrisée par la musique des DJ en attente de  leur laisser-passé pour Ibiza.

Barcelone leur déroule le tapis rouge pour les attirer et les retenir. Elle a développé un réseau de services de conciergerie très "VIP", allant de l’intendance de l'administratif, à la gestion du développement des légumes bios, dans des parcelles cultivées à distance, par des "consom'acteurs", plantant leurs futurs diners depuis le fond de leur canapé, entre deux épisodes de "the witcher" diffusés sur Netflix.

En quelques années, Barcelone est devenue la capitale, le "Hub" digital de l'Europe. C'est d'ailleurs ce qui me vaut d'être ici, WhatElse ayant aussi cédé aux sirènes séduisantes des exonérations de taxes en tous genres, pour les entreprises s'implantant dans la province. 

Elle avait pourtant mal commencé l'aventure. Les compagnies aériennes low cost et les plateformes de logement temporaires d'après crise de 2008 ont donné une image touristique déplorable, avec une augmentation de l'insécurité et la fréquentation d'une faune à la recherche de plaisirs bon marché, et d'une gueule de bois légendaire.

Ada Colau, militante associative, et généralement classée à gauche toute, est élue en 2015 pour changer tout cela. L'image de la ville se corrige. C'est désormais Lisbonne et Prague, qui récupèrent la jeunesse fauchée et alcoolisée de l'Europe.

San Antoni défilant dans une rue de San Andreu
Mais j'ai aussi accès, au travers de rencontres avec des Barcelonais (oui, là, il y a des hommes qui acceptent de me parler) historiques. Et je découvre l'autre Barcelone. Celle des défilés et des parades de quartier. Tout le mois de janvier, les corporations d'artisans, de congrégations, de districts, organisent la parade de leur saint patron. Hier, j'étais dans le quartier de San Adreu, pour assister au défilé équestre pour la bénédiction des animaux et son char avec la statue de bois de San Antoni. Une foule bigarrée et familiale, des bonbons jetés et des grands-parents aidant les enfants à les ramasser. Tout ce petit monde se retrouve dans les restaurants du quartier, afin de partager des tapas traditionnelles, arrosées de vin de Catalogne. Les enfants courent sur la place, pendant que les adultes discutent au soleil, en terrasse. Ces gens travaillent et vivent dans un Barcelone de quartiers, de villages. On parle beaucoup de politique, de démocratie et d'histoire. L’identité catalane y est tangible, loin des clichés : authentique et vivante.

Et il y a le 3 me masque de Barcelone, celui si cher aux Français, l'auberge espagnole. Celle de la "Movida" d'Almodovar et du cinéma des années 2000. Les "Erasmus" vivant en colocation et cherchant une vérité dans l'ailleurs. Ils ne sont plus seulement étudiants,  ce sont aussi des "millenials". Ces jeunes adultes, épris de liberté connectée, et cherchant à donner du sens à leur vie.

Barcelone est tout cela; ces trois entités se regardent et se jaugent. En politique, elles se jugent aussi beaucoup. 

Quelle que soit votre envie, Barcelone mettra le masque qu'il vous plaira. Elle est comme ça, la friponne, elle sait se vendre à qui la convoite. Mais sans jamais oublier de revendiquer, avoir le choix d'aimer ou de quitter.

Bises de Nathin Klappish land.


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