Adoption made in Arizona

J'ai longtemps hesite a faire ce billet, tant il souleve de questions et que le sujet est sensible. Suivant les lunettes que l'on chausse il sera interprete de facon differentes. Je ne souhaite pas juger mais forcement ce billet sera partial, non equilibre, et surtout subjectif. Vous le lirez tous selon des sensibilites differentes. 

Lorsque je travaillais au centre de planning familial, je fus invitee a rejoindre un groupe de reflexion sur la promotion de l'adoption. Oui vous lisez bien, "la promotion" de l'adoption. Le but etait d'encourager les jeunes-filles ou les jeunes-femmes enceintes et ne voulant ou ne pouvant pas garder l'enfant a preferer continuer leur grossesse afin de faire adopter l'enfant plutot qu'a avorter... En tant qu'accompagnatrice a la prise de decision des femmes enceintes, j'etais le public ideal...
Question de culture, d'histoire et d'héritage d'une construction sociétale particulière, je ne juge pas. Mais j'ai decouvert que pour cela, comme pour beaucoup d'autre choses, la vision americaine est extremement differente de celle de l'Europe.
Il faut savoir qu'aux etats-unis il existe trois formes d'adoption.
- L'adoption fermee, la mere biologique abandonne l'enfant a la naissance et il ne sait rien d'elle,hormis un dossier medical consultable par un medecin.L'enfant en général n'apprends que très tard qu'il a été adopte et je me souviens d'une dame qui racontait qu'elle ne savais plus comment rétablir le dialogue avec son fils, après lui avoir balance l'information a l'anniversaire de ses 15 ans. N'oublions pas que nous sommes dans la patrie du non dit et des secrets de famille...
- L'adoption semi-ouverte, la mere biologique choisi la famille qui s'occupera de l'enfant et a des nouvelles selon un planning pre-etabli, mais sans relations physiques avec l'enfant. A sa majorite l'enfant decide s'il aura des relations avec sa mere biologique ou pas.
- Et l'adoption ouverte, sorte de co-parentalite ou la mere biologique (quelque fois aussi le père, mais très rarement) et les parents adoptifs entretiennent des relations etroites et s'occupent a deux de l'enfant...

Il y a quelques temps je suis allee a un colloque ou l'association donnait la parole a des parents adoptants, des meres biologiques, et des enfants adoptes... J'y ai fait des rencontres qui me troublerent beaucoup.

D'abord le fait de choisir la famille. Un birth mother (qui avait laisse un enfant a 15 ans et qui est agee de 18 ans maintenant ) racontait a l'americaine (avec force humour et details croustillants), le cote fun de l'entretien ou les familles adoptantes justifent leur choix et disent pourquoi elles veulent un enfant. Cela m'a rappelle le film Juno, ou la jeune-fille veut savoir ou va aller son enfant. C'est un systeme tres repandu, car le nombre de grossesses adolescentes est extrement eleve aux states. (lire cet excellent article de Yibus) Je fus tres mal a l'aise... sans trop savoir pourquoi, mais je trouvais cela indecent, choquant... entendre les rires des personnes autour de moi...
Puis la question de l'argent. Il y a le package de base, les frais medicaux, l'accouchement, et les frais post-obstetricaux... Puis les petits plus, que la famille adoptante peut proposer... et cette reflexion de la dame a cote de moi (en reflexion pour l'adoption d'un enfant apres la mort de sa fille) "ca ne posera pas de problemes, mon epoux est un 6 digits" (soit un salaire a 6 chiffres). Les differents parents presents donnent des chiffres, on a l'impression de parler des differentes conditions de leasing...
Enfin les agences d'adoption, privees, venues faire leur marche. Une de ces representante, est a ma table, elle distribue ses cartes, fait la promotion de son office. Elle ne travaille qu'avec des illegaux, mexicaines, qui accouchent a Yuma. D'ailleurs une dame adoptante, est a la tribune et raconte son entrevue avec la mere biologique de son enfant... " je lui ai promi que sa fille aura une belle vie, et je l'ai remerciee de se cadeau... puis je suis partie vite, j'avais peur qu'elle change d'avis. C'était déjà arrive une fois... La mere avait change d'avis et nous n'avions pas pu avoir l'enfant, une petite-fille... Elle pleurait et moi aussi, je suis partie avec l'enfant dans les bras... je ne sais pas ce qu'elle est devenue..." et la responsable de l'agence de preciser qu'elle essaye de tout faire pour que ca se passe bien, sans "histoires". D'ailleurs un avocat est la pour expliquer les choses.
Chaque etat a sa propre loi et celle d'Arizona est tres particuliere : C'est d'ailleurs une ressource economique, rigole t'il.

A la pause je discute avec Petite Croix du Sud une native Pima, directrice du conseil de la tribu de la communaute de Salt River. Elle est la parce que pour les amerindiens les choses ne se passent pas comme cela. Les enfants dont les parents ne peuvent ou veulent pas s'occuper doivent etre adoptes dans la tribu. Elle me raconte que la loi a ete mise en place apres que des petits malins, venaient dans les villages indiens de la vallee pour "acheter" les enfants. L'adoption n'est pas dans leur culture et elle me declare, avec malice, que ce n'est pas ce qu'elle voit ici qui la convaincra que le modele blanc est meilleur.
Ah l'adoption intra familiale ou communautaire. C'etait le dernier volet de la chose... les eglises, bien-entendu, jouent un role preponderant. Deja en insistant pour qu'aucun avortement ne soit pratique, et en jouant le role d'intermediaire entre les familles Birth (ou la naissance a lieu) et les familles souhaitant adopter. Le pasteur qui en parle dit que comme cela on est sur que l'enfant sera eleve dans les memes "valeurs" chretiennes... Ce qui est "rassurant" pour la famille birth et qui garanti les origines, les racines, de l'enfant a la famille adoptante...
Quand a l'adoption intra familiale, tres repandue, les grands-parents elevent l'enfant comme leur propre enfant. Je connais des familles ou l'enfant ne sait pas qu'il est en fait le fils ou la fille de sa soeur...

Et puis il y a les adoptions internationales et cette dame qui rayonne des qu'on lui parle de sa fille adoptee en Chine... Mais est scandalisee que le gouvernement Chinois durcisse les règles... Les conditions sont assez semblables a l'Europe, sachant que c'est l'etat Americain qui chapaute cela.

Ok Nath mais pourquoi nous racontes-tu cela ?
Parce qu'il y a 44 ans aujourd'hui, le lendemain de ma naissance, je faisais la connaissance de mes parents adoptifs, mes grands-parents. Apres que mes parents, pour des raisons qui leur appartiennent, m'ait abandonnee, mes grands-parents m'ont ouvert leur coeur et leur vie.Un amour absolu, profond, sincere... l'amour qu'en tant que mere je ressens pour mes propres enfants, mais avec ce petit quelquechose en plus... que je ne saurais expliquer.

Je sais tres bien ce qui m'a choquee dans cette facon de voir l'adoption... c'est la place de l'enfant. Parce qu'on parlait des adultes, des parents, de leur quetionnements, de leur place, de leur ressenti. Mais a aucun moment des enfants.
Et pourtant cette sensation d'etre "différent" que je connais si bien. Ces difficultes d'appartenance, l'identite parfois difficile a trouver. Cette panique au moment de devenir soi-meme parent en se demandant si... si l'on ne reproduira pas...
Mais aussi cette force car on sait a quel point la vie est precieuse, mais que l'amour ne va pas de soi, qu'il peut etre absent... La force de devoir un jour se pardonner a soi-meme... pourquoi ? parce qu'on ne sait jamais si l'on est legitime... A aucun moment on ne leur a demande ce qu'eux ils en pensaient... Ce qu'eux auraient voulu... On leur a impose les choses, mais les ecoute t'on pour ameliorer le systeme ?
Je fus scandalisée par la question que l'on posa a une jeune-fille de 13 ans se trouvant entre ses "deux mères", la biologique et l'adoptante : qui préférez-vous ? Elle refusa de répondre...

Je dédie cet article a deux de mes lecteurs qui se reconnaitrons et a tous ceux et celles qui connaissent ce lien si particulier que l'on soit adoptant, adopte, ou parent biologique... Bisous de Nath.


 

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