La croisee des chemins.

S'il y a bien quelque chose qui m'enerve, c'est lorsque l'on me dit : tu es une expatriee... Non ! je ne le suis pas.
Je suis techniquement une impatriee.(voir la definition) ou plutot ce qu'on appelle le "conjoint suiveur " de l'impatrie. Soit une personne qui a choisi de suivre son compagnon et pour cela de renoncer a sa carriere professionnelle.

Petit retour en arriere...

Ce soir la, nous sommes devant un plat de pates, au resto, et je sentais bien que depuis quelque temps mon amour etait preoccupe. Il me lache enfin : On pense a moi, au boulot, pour installer des serveurs (informatiques, et c'est plus complique que cela mais je vous fais grace des details) dans les centres what else ? du monde.
Ah lachais-je...
Mais de ce moment je savais que ce que je redoutais depuis longtemps allait se mettre en marche. Des voyages dans tous les coins de la planete pour plus ou moins longtemps, de longues separations, les enfants, la maison a gerer, et surtout ce qui etait le plus difficile pour moi : l'absence de mon mec. Eh oui, je suis une incorrigible amoureuse et je n'ai pas choisi de vivre avec quelqu'un pour n'accepter de ne le voir que quelques jours par an. Je l'aime que voulez-vous ?

Alors, moi, pour qui vivre loin de mon pays, la France, etait proprement inconcevable, j'ai cherche une solution qui passait automatiquement par un demenagement loin de ma vie... et loin de mon job, donc d'une grosse partie de mon identitee.
Celle qui s'est imposee etait une impatriation, soit un contrat local pour Seb, sans date de retour, et avec une idee qui est : c'est complique de repartir en arriere. Il faut qu'un poste s'ouvre, que l'on soit interesse par le poste et que l'on reparte dans une negiciation a zero (salaire, demenagement... etc.)
L'entreprise a fait les choses tres bien avec un package incluant une aide pour la famille, et l'obtention d'un permis de travail pour moi. Ce qui n'aurait pas ete possible avec une expatriation avec date de retour obligatoire.

Sauf que j'hesitais, longuement. Je ne voulais pas partir... j'avais la trouille au ventre de ne plus pouvoir travailler dans ce que j'aimais et que j'avais mis tant d'efforts a obtenir. Mais voila, la raison l'a emporte et il y a deux ans maintenant, je demissionais de mon poste, et partais en disant que je maudissais la mondialisation...
L'excitation du depart, et pour Seb, une longue mission au Bresil qui m'a fait voir, qu'en effet, pour notre famille, la separation etait la pire des solutions...
Gerer les enfants, la vente de la maison, les adieux plus ou moins douloureux. Je debutais le blog en confiant deja mes doutes... Mais j'etais heureuse de quitter la Haute-savoie, le froid et la neige (on se rassure comme on peut) et en versant des torrents de larmes lorsque je traversais la frontiere de Veigy... et puis l'arrivee aux states.
La decouverte, le choc culturel qui met du temps a s'imposer, le reseau social, les nouveaux amis, les francais qui viennent et qui repartent, et toujours cette question : et vous rentrez quand ? et toujours cette reponse : on ne sais pas.

L'adaptation s'est faite sans (trop de )problemes, vivre aux Etats-unis c'est plus facile qu'en Inde, ou en Chine, ou je ne sais ou... certes.

Sauf que je suis le conjoint suiveur, avec tout ce que cela impose. La culture de la nana qui reste le cul devant la piscine, a faire des playdates et des commerages avec les mamans du PTO. Ou si elle veut s'occuper a faire des tentatives artistiques, ou culturelles, ou... Mais qu'importe, ton mec travaille. Et aux etats-unis d'amerique, il n'est pas de bon ton qu'une mom, dont le mari est a l'aise financierement, neglige ses enfants et ne fasse pas le taxi... Et avec une entreprise assez concervatrice (la mere de famille qui travaille en Suisse est peu aidee, voire respectee dans certains cantons comme en Allemagne) et dont la direction est sud-americaine, tres "macho", c'est encore plus compliquee. J'ai reussi a entendre : En fait ce qui compte c'est votre mari, vous c'est accessoire...
Travailler a l'etranger c'est dur, mais si l'on veut travailler dans sa branche c'est encore plus complique. Mes competences c'est l'humain, sa fragilite, son mal-etre, lui proposer des solutions pour qu'il se releve lorsqu'il trebuche ou tombe. Mais c'est societal, on ne peut le faire que si l'on accepte dans son integralite les fondements de la societe dans laquelle on exerce.
Bien-sur je peux travailler dans autre chose, instit (sauf que je ne supporte pas les enfants americains mal-eleves), serveuse, prof de francais chez Berlitz... Mais que 10% de chomage ca n'aide pas et que dans ce type de periode, lorsque les employeurs ont des centaines de CV americains, ils ne s'enquiquinent pas a meme repondre a un cv etranger avec des diplomes qu'ils ne connaissent pas...

Mais merde ! Pourquoi je devrais renoncer ? Pourquoi je devrais dire amen, c'est pas grave tout ce que je me suis cassee le cul a faire comme diplomes, formations, toute cette expertise que j'ai acquise, je la met sous le boisseau et je ne la ramene pas ? apres tout... apres tout quoi ? je ne suis qu'une femme ! (ca aussi entendu a l'ecole internationale) Et encore en tant que femme, c'est dans l'ordre logique, accepter et acceptable. Qu'en est-il des hommes qui sont dans ma position ? ils ont du mal... j'en connais qui s'inventent un boulot pour ne pas etre traites de gigolos...

Alors je resiste et j'essaye, formidablement aide par mon amour, qui doit aussi supporter mes crises depuis que j'ai, douloureusement, arrete PP...

Sauf que la, la question du temps se repose encore.
J'ai trouve une solution de boulot satisfaisante, qui m'assure un bon CV au retour, un diplome americain et une experience exportable en Europe. Mais qui coute la bagatelle de 14 000 dollars et un investissement de 2 ans... voire plus.
Et puis...
What else ? propose a mon cheri, de rentrer dans le processus de la carte verte - sesame pour habiter et travailler aux states, et que beaucoup d'etranger essayent d'avoir... Sauf qu'elle coute tres cher, et que, bien normalement, l'entreprise qui prend tout en charge, demande un contrat d'exclusivite de quelques annees. Et la pas question de partir, de changer, de refaire...

Au bout de 5 ans, les enfants seront adolescents donc difficilement bougeables pour l'ecole, les potes, la vie, et moi j'aurai 47 ans, soit une vieille dame sur le marche de l'emploi en France...
A ce moment-la, le retour sera t'il meme envisageable avant encore plus longtemps ?
Et je ne parle meme pas de la caisse de retraite, a laquelle je n'aurai plus cotise depuis des annees, et qui m'assurera le minimum vieillesse, si cela existe encore !

Alors pour trouver ma reponse, je repars en France... pour prendre la decision la plus importante de ma vie : rester ou partir...

je vous embrasse et vous dit a dans 15 jours - Nathentransit

Ps : cette "reflexion" m'engage seule, et je ne juge en aucun cas les choix des autres. Toute conception de la vie est parfaitement legitime si cela rend heureux la personne qui la vit... et ceux qui l'entoure.

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